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Munich : Le retour à Microsoft

Par Admin, le 14 avril 2018. Dernière mise à jour le 23 février 2020.

Lors d'une de nos présentations du logiciel libre, un des interlocuteurs a abordé le sujet de “Munich”. Ne connaissant pas ce cas, il était alors impossible de répondre et de donner le moindre argument dans un sens ou dans un autre.

Il nous semblait important de revenir sur le sujet et d'essayer de le traiter en profondeur. Cependant, pour des raisons linguistiques, le sujet a été traité principalement avec des sources francophones.

Nous avons systématiquement corrigé le terme “Linux” dans les textes pour le remplacer par “GNU/Linux” lorsque l'on y parle du système d'exploitation. Le terme “Linux” ne désignant, quant à lui, que le noyau du système d'exploitation.

Migration vers les logiciels libres (2004)

Par 50 voix contre 29, le conseil municipal de Munich, en ce 16 juin 2004, a décidé de tourner le dos à Microsoft et d'adopter, en lieu et place, un système d'exploitation GNU/Linux sur ses près de 15'000 ordinateurs et portables. Les raisons évoquées furent d’ordre économique, de sécurité, de fiabilité et de flexibilité 1).

Le maire de Munich d'alors, Christian Ude, avait déclaré “qu'il voulait libérer Munich de sa dépendance vis-à-vis de Microsoft” et cesser de payer trop cher des licences aux entreprises américaines 2).

La ville de Munich a besoin d’une alternative pour mettre fin aux migrations forcées des solutions propriétaires, qui permettra d'accéder à une large gamme d’applications, de faciliter l’interopérabilité avec les autres plate-formes, de bénéficier d’un support constant, de réduire les coûts et de se libérer des “enfermements propriétaires” 3), 4).

Suite à cette annonce, Steve Ballmer, le PDG de Microsoft, avait interrompu ses vacances pour rencontrer en personne le maire de Munich. La firme de Redmond aurait aussi accordé d'importantes ristournes à d'autres villes pour éviter d'autres initiatives de migration vers le logiciel libre 5), 6). Malgré cela, Munich à persisté, avec courage, dans sa volonté de migrer vers les logiciels libres.

Options de réalisation

La ville de Munich à fait le choix de partir sur une solution personnalisée basée sur Ubuntu et de LibreOffice. Ce projet portant le nom de LiMux (Linux fur München) 7).

Ce choix était audacieux mais risqué. Cependant, il faut se demander si ce choix était judicieux. Nous verrons ci-après que c'était, en tout état de cause, une réussite pour la ville de Munich selon tous les articles publiés entre 2013 et août 2014.

Nous ne recommandons pas cette méthode car nous ne voyons pas vraiment l'intérêt de concevoir un système personnalisé. De manière général, chaque système est parfaitement opérationnel en tant que tel. Nous préconisons d'utiliser un système existant avec une collaboration à son développement. Il en va de même avec les suites bureautiques et tous les autres grands logiciels. Nous recommandons aussi de faire confiance aux utilisateurs en leur donnant le choix de l'outil qu'ils souhaitent utiliser. Par exemple, laisser le choix de la suite bureautique aux employés. Il existe LibreOffice qui est très connu, mais il existe aussi Calligra pour ne citer qu'eux. Tout l'intérêt des formats ouverts, comme le format ODF, est justement l'interopérabilité et la possibilité à chacun d'utiliser l'outil qui lui convient le mieux. L'utilisateur peut, s'il le désire, faire le choix d'utiliser plusieurs suites bureautiques en parallèle. Tout est possible.

Faire le choix du logiciel libre pour une entité, une administration ou une collectivité, ne doit surtout pas être focalisé sur l'aspect financier. Faire le choix du logiciel libre en gardant les réflexes d'enfermement et de contrôle de l'utilisateur, distillée par l'industrie du logiciel propriétaire depuis près de 40 ans, est une aberration et peut conduire à l'échec d'un projet de migration. D'où l'importance de bien former les gens (de tous les niveaux) de manière neutre.

Calligra Suite

Une migration réussie (2013 - 2014)

Sur la fin de l'année 2013 et jusqu'à août 2014, on trouve un certain nombre d'articles vantant la réussite de la migration vers le logiciel libre 8), 9), 10), 11). Munich, l'une des villes pionnières de la migration vers le logiciel libre, est un parfait exemple de faisabilité et de réussite. Même les économies financières sont ventées.

En 2013, Christine Strobl, maire adjointe de la ville de Munich, avait annoncé que la ville avait migré près de 15'000 postes de travail sous LiMux et que l'Open Document Format avait également été choisi comme standard. Elle avait aussi affirmé que la grande majorité des utilisateurs et des administrateurs connaissaient bien et depuis longtemps ce système d'exploitation 12).

Tout était parfait, peut-être un peu trop parfait.

Rumeurs de retour à Microsoft (2014)

C'est Josef Schmid, le nouveau maire adjoint de la ville de Munich en poste depuis 3 mois, qui présente un possible retour à Microsoft dès août 2014. Celui-ci envisage ce retour à Microsoft, même s'il considère que le projet conduit en 2013 a été un succès. Un succès relayé, rappelons-le, par toute la presse depuis près d'une année. Il a aussi déclaré au journal Sueddeutsche Zeitung que les utilisateurs se plaignaient régulièrement, que les employés souffraient et que les applications ne suivaient pas. Le maire adjoint a même indiqué que la ville nommerait un groupe d'experts indépendants et s'ils recommandaient un retour à Microsoft, la remise en cause de LiMux serait envisageable. “Dans tous les services, j'entends que les employés n'arrivent pas à s'adapter”, a déclaré le maire adjoint au journal. “Cela ne peut pas durer”, a-t-il ajouté 13). La problématique des coûts n'avait pas été initialement évoquée dans les motivations 14).

Retour à Microsoft (2017)

Le 15 février 2017, une majorité de conseillers municipaux a voté en faveur du retour à la solution de Microsoft (Windows avec MS Office). Ce vote fait suite aux recommandations d'une étude demandée par le maire à Accenture en 2016. Cette étude a clairement indiqué que LiMux n’avait pas d’avenir. Certains se sont interrogés sur l’indépendance de cette étude. D’autres ont demandé si la transition proposée était liée au déménagement du siège social allemand de Microsoft vers le centre de Munich. Florian Roth, du parti des Verts, s’est plaint que le débat ait omis de porter sur les fonctions de LiMux. Il s’est aussi demandé si le retour à Windows était légal vis-à-vis des achats au sein de l’Union Européenne sans appel d’offres concurrentiel 15).

Ainsi, Munich va commencer à déployer Windows 10 à partir de 2020, pour un coût d'environ 50 millions d'euros, en vue de remplacer complètement LiMux par d'ici 2023. La migration vers Windows 10 fait partie d'une restructuration informatique globale chiffrée à plus de 89 millions d'euros. Thomas Ranft du parti FDP/HUT s’est demandé pourquoi le conseil devrait dépenser autant d'argent pour abandonner “l'indépendance du fournisseur que GNU/Linux nous a donné”, surtout si Windows ne serait pas une solution à long terme : “Cela n'a pas de sens parce que là où nous voulons aller à Munich c'est le cloud, à quoi sert une solution intermédiaire qui nous coûte près de 100 millions d'euros ?” 16).

L'opposition politique, et notamment les Verts, qualifient ce choix technologique de “grosse erreur”, présentant, outre son coût “élevé”, de nombreux risques sur le plan de la sécurité informatique 17).

Le nouveau siège de Microsoft en Allemagne a ouvert en octobre 2016, ce bâtiment accueille les 1'900 employés de Microsoft basés à Munich. L'espace est de 26'000 m2 sur 7 étages 18). Il est vraiment très difficile d'y voir une simple coïncidence.

Le nouveau siège de Microsoft en Allemagne 03 Le nouveau siège de Microsoft en Allemagne 01 Le nouveau siège de Microsoft en Allemagne 02

Détail des coûts

En 2012 la ville de Munich a annoncé avoir fait une économie de plus de 10 millions d'euros. Ce calcul fait suite à une question posée en avril de la même année par le groupe indépendant au sein du conseil municipal des Freie Wähler (Électeurs Libres) 19). Le rapport (contesté par Microsoft) présente 3 scénarios pour le calcul :

  1. Windows avec MS Office
  2. Windows avec LibreOffice
  3. GNU/Linux avec LibreOffice

Dans les trois cas, les coûts des salaires des employés et pour la formation sont les mêmes à 22 millions d'euros. Le prix de mettre à jour Windows et MS Office est de 11.6 millions d'euros ce qui comprend le remplacement du matériel nécessaire et la migration d'applications qui ne seraient pas compatibles avec GNU/Linux. S'ils étaient restés avec Windows, mais qu'ils auraient remplacé leur suite bureautique par LibreOffice, le prix atteindrait 7.4 millions d'euros. Finalement, entre 2004 et 2012, la ville a dépensé 270'000 euros pour faire la migration graduelle de tous les postes de travail vers GNU/Linux et des logiciels libres. Ils ont quand même estimé les coûts à 1 million d'euros 20).

Les totaux 21). :

  1. Windows avec MS Office : 34 millions d'euros.
  2. Windows avec LibreOffice : 30 millions d'euros.
  3. GNU/Linux avec LibreOffice : 23 millions d'euros.

L'économie serait donc bien de 11 millions d'euros.

Contestation de Microsoft et de HP

Début 2013, lorsque Munich à annoncé avoir fait 10 millions d'euros d'économie en passant au logiciel libre, Microsoft et HP ont contesté ces chiffres en présentant leur propre rapport.

Microsoft et HP estiment que le coût d'une solution GNU/Linux avec LibreOffice est de plus de 60 millions d'euros. Ils estiment aussi qu'une solution Windows XP avec MS Office 2003 ne reviendrait qu'à 17 millions d'euros (rappelons que nous sommes alors en 2013 et que le maintien de Windows XP et que le support étendu pour MS Office 2003 cesseront tous les deux à partir de 2014). Munich conteste fermement l'étude de Microsoft et de HP car, entre autres choses, elle affecte 1'000 informaticiens au projet LiMux. Hors, c'est précisément le nombre d'informaticiens que Munich emploie et ils ne sont pas tous affectés à ce projet 22).

Dans l'hypothèse où les chiffres de Microsoft et de HP soient vraies, il faudrait alors se demander pourquoi Microsoft a fait des rabais de plus de 60% pour tenter de garder des clients. C'était, par exemple, le cas avec la ville de Paris 23). Pour être crédible, il faut commencer par être cohérent !

Coût du retour à Microsoft

50 millions d'euros pour une migration totale vers Microsoft. Ceci implique aussi un remplacement massif de matériel à hauteur de 40 millions d'euros. Le coût total est estimé à 89 millions d'euros 24). Microsoft annonçait pourtant 17 millions d'euros pour réfuter l'économie financière du logiciel libre en 2013. Il affirmait que le logiciel libre aurait dû coûter 60 millions d'euros 25). Ce retour à Microsoft, d'un coût de 50 millions d'euros, est purement malhonnête. Aussi, comment se fait-il que la ville de Munich n'a pas imposé le montant annoncé dans le rapport de Microsoft et de HP à hauteur de 17 millions d'euros ?

Bilan

  • La migration Windows avec MS Office vers GNU/Linux avec LibreOffice en 8 ans : ~270'000 euros arrondis à 1 million d'euros.
  • La migration GNU/Linux avec LibreOffice vers Windows avec MS Office en 5 ans : ~50 millions d'euros.

Le rapport est de 1/50 en faveur du logiciel libre dans le cas de Munich. Merci Microsoft.

Suite LibreOffice

Conclusion

La décision pour une migration vers le logiciel libre ne doit pas se faire sur l'argument économique ! Dans ce cas précis, c'était l'une des raisons, mais elle n'était de loin pas la seule. L'argument premier doit toujours être la liberté. La liberté conduit à tous les autres avantages comme l'indépendance, l'interopérabilité, la flexibilité, la pérennité, la sécurité, la fiabilité, l'économie financière, l'écologie, etc…

Le cas de Munich démontre la faisabilité et démontre aussi le gain économique lorsque l'on migre vers le logiciel libre.

De nombreux autres exemples parlent en faveur d'une migration immédiate de toutes les entités publiques vers les solutions en logiciel libre. En ce début d'année 2018, de nouvelles annonces ont été faites. Barcelone 26) et Montréal 27) passent au logiciel libre.

En suisse, il est illégale d'utiliser un système d'exploitation d'Apple ou de Microsoft si l'ordinateur en question peut contenir des données personnelles ou des données sensibles, à cause de la présence des portes dérobées universelles implantées par ces entreprises dans leurs systèmes d'exploitation. Toutes les entités publiques doivent, sans délais, migrer vers le logiciel libre. C'est le seul et unique moyen de respecter la loi et il n'y a, en définitive, que des avantages.

Notes et références

1)
[fr] fichier source : https://www.mamot.gouv.qc.ca/fileadmin/publications/observatoire_municipal/veille/logiciel_libre.pdf (~105,3 Ko). Dernière consultation le 14 avril 2018.
5) , 11)
[fr] http://www.zdnet.fr/actualites/limux-ubuntu-vante-les-economies-de-la-migration-de-munich-39803679.htm, article du 9 juillet 2014. Dernière consultation le 16 avril 2018.
6) , 23)
7)
[fr] https://www.channelnews.fr/munich-abandonne-logiciel-libre-migre-vers-windows-10-78019, article du 27 novembre 2017. Dernière consultation le 16 avril 2018.
8) , 20)
[fr] http://www.logiciellibre.ca/?p=55, article du 13 septembre 2013. Dernière consultation le 16 avril 2018.
9)
[fr] http://www.zdnet.fr/actualites/munich-a-finalise-et-reussi-sa-migration-linux-39796349.htm, article du 16 décembre 2013. Dernière consultation le 16 avril 2018.
10)
[fr] https://ll-dd.ch/munich-finalise-son-projet-de-migration, article du 20 décembre 2013. Dernière consultation le 16 avril 2018.
14)
[fr] https://www.journaldunet.com/solutions/dsi/munich-envisage-d-abandonner-de-linux.shtml, article du 19 août 2014. Dernière consultation le 16 avril 2018.
17)
[fr] http://www.zdnet.fr/actualites/munich-craque-pour-windows-10-et-brade-son-capital-linux-39860596.htm, article du 24 novembre 2017. Dernière consultation le 16 avril 2018.
18)
[fr] http://www.cyberarchi.com/article/un-siege-allemand-pour-microsoft-tres-evocateur-27-07-2017-16312, article du 27 juillet 2017. Dernière consultation le 16 avril 2018.
21)
[en] http://www.h-online.com/open/news/item/Linux-brings-over-EUR10-million-savings-for-Munich-1755802.html, article du 23 novembre 2012. Dernière consultation le 16 avril 2018.
26)
[fr] http://www.zdnet.fr/actualites/barcelone-ejecte-microsoft-au-profit-de-linux-et-de-l-open-source-39862672.htm, article du 12 janvier 2018. Dernière consultation le 16 avril 2018.
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